Adolescent, je voulais être comme mon père : ouvrier. L’école ça ne me branchait pas trop, par contre j’aimais bricoler, me servir de mes mains. C’est ainsi qu’à 14 ans j’ai passé et réussi le concours pour être apprenti dans une grande entreprise de la métallurgie nantaise, je rentre ainsi là où travaillait mon père : aux Batignolles.
Très jeune je me retrouve comme je le souhaitais dans ce monde ouvrier que j’avais côtoyé tout jeune au côté de mon père lors des grandes grèves des années 50 de la métallurgie.
Les Batignolles c’était quelque chose de fort, plus de 2000 salariés à l’époque, marqué par une grande tradition de luttes, une histoire dans la résistance, une C.G.T. très largement majoritaire aux élections professionnelles et la présence dans la boite d’ un Parti Communiste organisé et dynamique avec son journal de nombreux militants. Ce n’est pas par hasard qu’elle était surnommée « La boite rouge ».
Les premiers contacts avec le syndicat et le parti se font durant mon apprentissage. Le courant passe avec le délégué chargé de veiller à nos bonnes conditions d’hygiène et de sécurité. Il savait nous mettre en confiance.
L’ apprentissage passé, non CAP dans la poche, je me retrouve dans les ateliers. Le hasard fait que je travaille aux côtés de ce même délégué avec qui j’avais participé au camp de vacances pour les apprentis organisé par le Comité d’Entreprise (3 semaines en Italie). Très vite j’adhère grâce à lui à la C.G.T. et peu de temps après aux jeunesses communistes.
Il faut également resituer l’époque. Nous sommes juste avant mai 68. Les luttes syndicales sont nombreuses et intenses, le besoin d’émancipation et de droits nouveaux se fait fortement sentir notamment dans la jeunesse, le gaullisme n’a plus le même écho dans le pays et commence son déclin. Le Parti Communiste est très présent sur la scène politique et représente une réelle issue pour un autre monde plus juste contrairement à l’image que donne dans le même temps le Parti Socialiste.
Mes premiers engagements militants se font dans cet environnement avec des camarades de la C.G.T et du Parti qui ne rechignaient jamais dans leur militantisme, leur présence, leur clairvoyance, leur lucidité et leur engagement et le débat. Je pense notamment à Gaston, le secrétaire du syndicat, à Roger qui m’a fait adhérer au parti et à la C.G.T, à Henri, à Jean sans qui je n’aurais vraisemblablement jamais pris et eu les responsabilités syndicales et politiques que j’ai assumées par la suite.
Cette période, c’est la lutte pour la Paix au Vietnam. La bataille pour un bateau pour ce pays martyrisé par l’impérialisme américain. Je ferai là, avec les JC, mes premières armes avec des portes à portes pour récolter des signatures et des dons. C’est dans le même temps la naissance, à laquelle j’ai contribué, du cercle Anne-Claude Godeau qui regroupait l’usine des Batignolles et son quartier.
Vient ensuite le service militaire, pas de chance... durant les événements de 68. Mais par bonheur j’y retrouve, conscrits comme moi, des camarades du parti ce qui permet de rester dans l’ambiance le débat entre nous et quelques petits actes de « rébellion ».
A mon retour, je retrouve tous mes camarades. Arrive très vite cette grande grève des Batignolles à l’hiver 1971. Je ferai là mes véritables premières expériences de lutte et d’ engagement militant avec le syndicat et le parti. Celui-ci me fera confiance en me sollicitant pour être sur sa liste lors des élections des municipales face à celle d’André Morice.
Mon engagement syndical comme permanent à l’union locale C.G.T de Nantes en avril 1972 sera pendant deux décennies ma principale activité militante tout en restant attaché au parti. En 1993, je quitte mes fonctions syndicales, à ma demande, et rejoins la fédération du Parti ou je retrouve une équipe d’un engagement exceptionnel. Durant les années où j’ai assumé des responsabilités à la fédération, comme militant ou comme élu ; je me suis senti utile pour faire vivre et avancer les idéaux qui caractérisent le Parti Communiste Français.
Le parti est inscrit en moi, non comme un mythe, mais comme un réalité, du concret, un outil pour toutes celles et tous ceux qui sont exploités, qui veulent vivre autre chose et autrement, pour tous ceux qui veulent construire une autre société.
Je m’y suis toujours senti à l’aise. J’avoue cependant avoir été troublé et inquiet quand il s’est effacé avec le front de gauche. C’était certes une décision collective mais je ne l’ai jamais partagée. Je m’interroge d’ailleurs toujours aujourd’hui sur ce qui nous a conduit à une telle impasse...
J’ai maintenant plus de cinquante ans d’adhésion. Je suis fier d’ appartenir et d’avoir participé, à mon niveau, à la vie de mon parti. Le Parti Communiste Français a cent ans c’est formidable. Il a contribué avec ses militants à tant de conquêtes sociales et démocratiques qu’il est inscrit dans l’histoire de la France, n’en déplaise à certains. Je suis persuadé que de nouvelles pages sont encore à écrire avec de nouvelles générations de militants et d’adhérents dans des conditions sociales et sociétales qui ont énormément évolué, où le parti garde toute sa place.
Yannick Chéneau