Michèle Picaud : "Très jeune je savais que je serai celle qui choisit sa vie"

Mon enfance s’est passée à Herbins quartier de Saint-Nazaire, dans les logements provisoires d’après guerre, nous étions  « les gens des baraques »; que des familles nombreuses, où se nouait une grande solidarité. 
Une enfance joyeuse, sereine ; la rue était notre terrain de jeux, entre les camionnettes des marchands ambulants, la salle de bain c’était le baquet. Mais, aînée de 5 enfants à l’époque, j’avais l’eau propre. Seul mon père travaillait. La cellule du quartier veillait à l’entraide pour le charbon, les denrées ou les vêtements, nos parents nous protégeaient. Toutes les femmes de la cité, s’occupaient des en-fants, du ménage, faisaient bouillir la marmite. Moi, je voulais être comme mon père : responsable syndical.

Puis un 6ème enfant est né, alors on se retrouve perchés et isolés dans une HLM. Les filles ne devant pas sortir, et le rôle attribué aux femmes, m’insurgent. Très vite je rencontre Frédéric et Marthe Gallet, instituteurs, militants au Secours populaire, une grande complicité s‘établit. Malgré notre grande famille nous partagions nos étés avec des enfants accueillis par le Secours populaire, c’était super.

A 13 ans, avec eux je fais du porte à porte, pour les anciens, avec mon urne en fer blanc pour « la journée des vieillards ». Je découvre la précarité. A 18 ans je pars faire mes études de psychiatrie à Blain, pour y être infirmière. Stagiaire, j’adhère à la CGT, malgré toutes les mises en garde.
En 1971, j’adhère au PCF et à l’Union des Femmes Françaises, une histoire dans ma vie personnelle, la rencontre avec des femmes nées du mouvement de la Résistance. Très jeune je savais que je serai celle qui choisit sa vie.

En 1977, j’intègre la liste municipale de Jean-Louis Le Corre maire de Trignac après Mme Bihan 1ere maire communiste du 44. Pendant cinq mandats, j’ai vécu une gestion à direction communiste, avec un parti proche des gens, où jamais une expulsion lo-cative n’a été acceptée ; le travail avec les familles, le lien fort avec les institutions. 

Revendiquant la création de la MAEPA [Maison d’accueil évolutive pour personnes agées] Camille Claudel, nous avons réuni  2.500 signatures en un week-end, puis obtenu, avec nos anciens en bus, leur maison de retraite chez le sous-préfet. Aussitôt suivi  de la lutte de soutien avec le personnel de Babou contre les licenciements.

Membre du bureau fédéral, puis du conseil national, où le cercle des valeurs s’élargit et réconforte, en 1998, je suis élue conseillère régionale PCF des Pays de la Loire pendant 2 mandats, sous Fillon puis Auxiette. J’ai toujours milité dans un mouvement fémi-niste, contre les violences et toutes sortes de discriminations, trouvant le parti trop frileux sur la contraception, l’IVG. 

En 1985 je deviens secrétaire départementale de l’Union des femmes françaises, et, en 15 ans, j ai eu la chance de rencontrer des femmes extraordinaires : Yvonne Dumont, Marie-Claude Vaillant Couturier, Marcelle Huisman, Jeannette Dewerder et mon amie de toujours Jocelyne Lelay, de participer au congrès de la Fédération démocratique internationale des femmes, et d’autres ren-contres internationales : nous étions 40.000 à Pékin à la conférence mondiale. J’ai pu aussi assister au procès de femmes-courage telle Leyla Zana, députée Kurde en Turquie.

J’ai rencontré aussi Dulcie September, grande dame de l’ANC, reçue à Trignac pour son dernier débat public avant son sauvage assassinat à Paris. Ma rencontre avec le parti m’a ouvert de nombreux horizons, la fraternité, le partage, le dé-bat. Faire de la politique, c’est partir de ses propres préoccupations et envisager avec d’autres des solutions, en privilé-giant l’intérêt général.