Témoignage de Claudine Jacotin

"Il va m’être difficile de ne pas associer ma vie de militante de base (section) avec mon travail à la fédé. Il fallait forcément être militante pour pouvoir « tenir » à la fédé.

« La Fédé du Parti » je crois bien que j’en ai toujours entendu parler ! Quand j’étais enfant notre père partait quelquefois « garder » la fédé rue des Cadeniers à Nantes. Un soir elle a été saccagée (1955 ? 1956 ?) Tout le matériel passé par les fenêtres.

En 1957 la fédé était déjà au 46 rue Fouré et c’est de là que nous sommes partis à la fête de l’Huma. J’avais 6 ans. C’était à Montreuil. C’était ma 1ère fête.

En 1962 une manifestation contre l’O.A.S. et pour la paix en Algérie est violemment réprimée. Anne-Claude Godeau est tuée. Je me souviens de ses obsèques, de cet immense cortège.

Quand j’avais 12-13 ans, l’été je remplaçais « Néness Neveu » sur sa tournée de l’Huma-Dimanche aux Dervallières.

Puis il y a eu les événements de 68. Je participais aux manifs avec mon père, aux actions avec mon lycée.

En octobre 1969 Jacques DUCLOS est venu faire un meeting à Nantes. J’accompagnais mon père. C’est là que j’ai adhéré au Parti. Nous faisions partie de la cellule Thorez des Dervallières.

En 1971 nous avons créé une cellule sur notre quartier. C’était le centenaire de la Commune de Paris, d’où le nom que nous lui avons donné. Au tout début elle était composée de mes parents, Loïc Le Gac, Roseline Percevault et moi. Puis des sympathisants ont adhéré, tous résidents de la cité des Castors. Tous les dimanches matin Loïc venait me chercher et nous allions faire du porte-à-porte avec nos journaux ou d’autres publications éditées par le Parti. « Changer de cap » puis « le programme commun de gouvernement » etc..

Il y avait aussi les J.C. Le cercle « colonel Fabien » des Dervallières. Les actions pour la paix au Vietnam, la libération d’Angela Davis, contre le service militaire pour les filles, pour le droit de vote et la majorité à 18 ans, pour le droit à l’I.V.G.

Nous participions aussi à des écoles des J.C. Je m’en souviens d’une qui avait eu lieu dans la maison de campagne d’une camarade (Lucette Fredouelle) à Anet près d’Ancenis, une autre au Gâvre.

Je travaillais à Pirmil. Le soir, au sortir du travail, je passais à la Fédé ! j’allais taper les tracts des J.C. Un heureux soir, Xavier MERCIER, alors trésorier fédéral, m’a demandé si en plus de savoir taper à la machine je savais compter ? Quelque temps plus tard Maurice ROCHER m’a sollicitée pour travailler à la fédé.

Le jour où j’ai été embauchée j’avais également en poche une embauche pour le C.H.U. Je n’avais rien dit à mes parents (à l’époque la majorité était à 21 ans et je n’en avais que 20) mais ma décision était prise. J’ai continué mon chemin jusqu’au 46 rue Fouré, direction la Fédé.

A l’époque il y avait 2 permanents politiques : Maurice ROCHER et Michel MOREAU. Il y avait aussi, pour chercher de la publicité pour les Nouvelles de L.A. Michel PRODEAU, et moi ! et Zaza (Xavier Mercier commerçant non sédentaire venait 3 fois par semaine après ses marchés) Quand il devait payer une facture il disait tout le temps : oh la la Maurice va grogner, mais il faut bien la payer celle-là ! sinon on n’aura plus de papier (ou d’encre, ou de stencils, ou… bref, de quoi travailler !)

L’argent, c’était vraiment un gros tracas. Nous n’avions pour vivre que les cotisations des camarades, les recettes des fêtes et de la vente du muguet, des vignettes de la fête de la Terre, puis de la Brière, et également, à l’époque, de la fête du Croisic. Le paiement des factures des tracts et journaux de cellules et de sections. Bref, c’était la dèche, régulièrement. Nous vivions très chichement !

L’hiver nous gelions. Le chauffage ne fonctionnait pas. Quand on l’allumait on s’asphyxiait. Alors, on se couvrait. Je travaillais avec un bonnet, un Huma sur la poitrine (paraît que ça tient chaud…) et des gants quelquefois. Pas très pratique pour taper à la machine, mais bon !

Le travail, ça « déboulait » toute la journée. Il n’y avait pas un jour où on ne sortait pas un tract, un journal de cellule ou de section. Je suis devenue une pro des stencils et des normographes ! Il ne fallait pas faire mine de taper sur les touches de la machine à écrire (un vieux tacot d’après-guerre). J’ai travaillé 3 ans sur cette machine ! Puis les camarades de la SNIAS m’ont offert une Japy, manuelle. Elle était quand même mieux que la précédente, mais j’aurais tellement aimé avoir une électrique. Pour cela, il m’aura fallu attendre encore quelques années : 1978.

J’ai le souvenir d’avoir couru tout le temps. De la porte au téléphone, du téléphone à la salle des machines, de mon bureau à celui des camarades, retour à la salle des machines, puis réception d’une cellule, d’un J.C. ou d’un U.E.C., ou d’une section pour lui remettre les timbres ou les tracts tapés et tirés dans la journée, encaisser une facture, commencer le journal de caisse ou de CCP, repartir vérifier où en sont les tracts en train de « sortir », remettre une ramette ou une bobine (18 kg) à la SAM (qui sortait les tracts recto/verso en un seul passage ! ça c’était du bon travail !) Et quand arrivait le soir, à 19 heures, j’avais rarement terminé. Il y avait toujours quelqu’un pour demander « tu ne pourrais pas me faire ça pour ce soir » à la dernière minute ou peu de temps avant la fin de journée… Et bien sûr je le faisais. C’est toute la différence avec un travail dans une entreprise. Vous êtes là pour répondre aux camarades qui ont décidé de distribuer un tract demain parce qu’il s’est passé un événement dans l’entreprise et qu’il faut répondre tout de suite.

Pour en revenir à mes souvenirs des débuts je me rappelle de la venue de Georges Marchais les 25 et 26 janvier 1972, A NANTES aux salons Neptune où le parti avait organisé des tables rondes avec Georges Marchais et d’autres militants autour de grands thèmes, le 26 à St-Nazaire.

Jacques Duclos est revenu en Loire-Atlantique en 1973 pour un meeting. Salle comble. Retour de Georges Marchais avec toute une délégation en décembre 1977 avec notamment des rencontres aux Chantiers de l’Atlantique, une conférence de presse à l’Auberge de la Brière.

Georges Marchais est revenu en L.A. en avril 1981 pour les présidentielles.

J’ai eu également le plaisir de participer aux 60 ème et 70 ème anniversaires du Parti.

La fédé c’est une affaire qui a duré toute ma vie ! Je ne l’ai jamais vraiment quittée. Nous avons quitté le 46 fin 1979 et avons emménagé au 41 rue des Olivettes en janvier 1980. Une énorme souscription nous a permis de l’acheter. De plus un ami nous a fait don de la même somme d’argent que nous avions collectée et nous avons pu ainsi procéder à la première tranche des travaux.

Bien sûr en plus de travailler à la fédé je militais sur ST-HERBLAIN avec tout ce que cela suppose d’actions, de distributions de tracts dans le quartier et à la porte d’entreprises, ventes de journaux, de livres, de muguet, de réunions, d’organisation et participations sur les fêtes, etc.. Je me rappelle plus particulièrement l’action au porte-à-porte avec « les cahiers de la misère et de l’espoir ». Nous faisions témoigner les gens sur leur vie, leurs espoirs, leurs difficultés. Découvert lors de cette action combien les gens avaient de difficultés à écrire eux-mêmes. Ils nous demandaient souvent d’écrire sous leur dictée…

Lors du choc pétrolier (1974/75 ?) j’avais obtenu de la part du curé du bourg de St-Herblain l’autorisation de mettre ma table de camping à la sortie de l’église. Je faisais signer des pétitions, distribuais mon matériel et vendais des H.D.. Même autorisation lorsque nous avions à vendre « le défi démocratique » de G. Marchais. Lui-même (le curé) s’arrêtait chez moi prendre l’H.D.

On organisait également des « commandos » anti expulsions dans les HLM. J’y ai participé plusieurs fois, avec Alain Tessier élu communiste de st-Herblain (malheureusement décédé à 34 ans en 1979).

J’avais fait adhérer mon voisin (ancien marin) et il me rendait ainsi service. Dans la journée il préparait les paquets de tracts ou de matériel et allait les déposer chez les camarades (une vingtaine sur le bourg). Cela me faisait moins de travail.

En 1977 il y a eu 8 camarades élus à St-Herblain. Lors de la 1ère réunion du C.M. il y avait foule. Et l’on voyait un énorme bouquet de fleurs naviguer au-dessus des têtes. Les élus autour du maire souriaient. Qui allait recevoir ce bouquet ? Le Maire ? et non, c’était pour Pierrette Brémont, adjointe communiste à l’urbaniste. Et le porteur du bouquet, c’était mon voisin, M.Thébaud !

Bien sûr je suis aujourd’hui « vétéran » soit 35 ans de Parti sans discontinuer. J’en suis fière. Et je me rappelle aussi que mon père l’était quand il a reçu sa carte de vétéran. Ce même jour je devenais secrétaire de section. Nous n’osions pas le dire à ma mère de peur qu’elle me dise « tu es complètement folle, comment vas-tu faire avec ta fille ? ». Mais mon père la gardait lorsque j’avais des réunions et c’était très bien ainsi.

Voilà, j’ai adhéré à 18 ans. J’en ai 69. Je n’ai pas vu le temps passer. J’ai eu ma fille à 28 ans. J’ai continué à militer sur St-Herblain. Elle a participé dans son couffin aux réunions de section, de cellule, aux fêtes du Parti en Loire-Atlantique, puis à celle de l’Huma dès 1991. Je suis fière aussi d’avoir su l’intéresser à mes batailles, à lui avoir inculqué certaines valeurs et priorités aussi, en tant que femme d’abord, en tant que salariée, en tant que citoyenne.

Je n’aurais pas souhaiter une autre vie. Quant à l’avenir du parti je le sens mieux avec un secrétaire national comme Fabien Roussel, avec des camarades comme Ian Brossat, des militants comme ceux que nous avons en L.A.

Une chose que je ne supporte pas c’est d’entendre dire : « les politiques, ils sont tous pareils. On ne peut pas leur faire confiance. Gauche, droite, c’est du pareil au même. » ça c’est inacceptable. On ne doit pas laisser passer. Et il faut absolument reconquérir les abstentionnistes ! il faut leur faire tâter du doigt que s’ils ne votent pas, ils laissent la place aux autres, à ceux que ne leur veulent pas du bien. Quand nous étions ministres nous avons pu démontrer combien il était important, primordial, d’en avoir. Le peuple français n’a toujours eu qu’à se féliciter d’avoir des élus communistes à leur disposition. Voilà. C’est un combat qui me semble primordial."