Témoignage de Pierre Daguet

Pierre Daguet (2010) : Engagement

Venant d'une famille protestante où la pratique religieuse était quotidienne - chant de remerciement avant de manger, lecture de récits bibliques le soir -, la route était longue pour arriver au parti communiste. Je me situais donc, à 18 ans, dans cette droite libérale – Giscard-Barre-Veil -.

C'est dans les différentes librairies où j'ai travaillé - j'étais " monté" à Paris - que j'ai commencé à remettre en question une certaine forme d'organisation, me retrouvant trop souvent en conflit avec la hiérarchie : je me suis heureusement mis assez vite à mon compte. Entre-temps, cette remise en question m'a amené à m'intéresser à l'autogestion, à lire Proudhon, Kropotkine... et à ne plus aller voter : l'"abstention révolutionnaire". Pour passer de droite à gauche, il m'a donc fallu un sas abstentionniste de quelques années.

En 92, c'est l'année où je crée enfin ma -petite- librairie (lignes d'Outrance), et c'est celle où, entre les clients, je passe une quarantaine d'heures de mon été à lire le Traité de Maastricht, qu'à l'époque seule l'Humanité avait publié. En commençant la lecture, je n'avais aucun a priori, mais j'ai compris assez vite qu'il n'était plus question de voter blanc, mais bien de refuser ce traité fait pour les banques et dévalorisant tout service public. Ça y était, j'étais passé à gauche.

Encore aujourd'hui, je vois ce Traité comme un marqueur essentiel et je ne pourrai jamais accorder pleinement confiance à un dirigeant politique qui a voté "oui" à Maastricht, qu'il s'en repente ou non.

Par la suite, il y a eu des rencontres, notamment avec l'arrivée de la section PCF du 20è arrondissement dans le local voisin de ma boutique. Comme j'allais souvent aux pots, aux conférences du parti, un militant m'a dit une fois, surpris : " T'es pas au parti, toi? Ça viendra. " J'avais trouvé gonflé de dire ça.

C'est donc " désorganisé " que je militais, en suivant les copains quand il y avait à donner un coup de main : antifascisme (j'ai rencontré ma compagne à Ras-le-Front), sans-papiers : l'Église Saint-Bernard où j'ai eu droit à un tabassage en règle avec pour résultat quatre points de suture au crâne et un message très sympathique de mes voisins communistes sur la porte du magasin, l'occupation du théâtre de l'Odéon avec des chinois illégaux...

La librairie, bien-entendu, était une manière de militer, et quand je me suis associé, en 99, pour monter "équipages" avec ma collègue Renée Candela, les occasions ne manquaient pas : Forum social européen en 2003, congrès de la revue Actuel Marx...

C'est bien parce qu'en venant sur Nantes je quittais la librairie et ce qui avait été mon mode d'expression que j'ai demandé, en 2010, à adhérer au parti communiste français. Le chemin avait été long.

Depuis, il y a eu de nombreuses réunions, des lectures de textes de congrès, quelques campagnes électorales avec des montées d'escalier, des distributions sur les marchés – c'est peut-être ce que je préfère : discuter avec des gens qui ne sont pas communistes, je les connais bien les anti-communistes ...

Il y a eu aussi des préparations d'Huma-cafés, des remue-méninges pour le centenaire du parti, des articles pour les Nouvelles de Loire-Atlantique...

Il y a eu des banquets, de la camaraderie, des verres d'après manif...

Il y a toujours cette foutue conviction, partagée, que ce parti ne peut pas disparaître, ou alors seulement quand nous connaîtrons la société de fraternité et de justice sociale qu'il reste à construire.