« Nous avons pris connaissance dans le passé de la leçon de l’avenir » : René Gomichon délégué de Loire Inférieure au Congrès de Tours

René Gomichon (1883-1943), fut secrétaire de la section communiste de Nantes (jusqu’en 1924) et de la Fédération communiste de la Loire-Inférieure après le congrès de Tours. Il devint également secrétaire du nouveau syndicat CGTU des métaux [1]. Démissionnaire de cette dernière responsabilité, il reste secrétaire de l’Union départementale CGTU. En 1925, archiviste de la Fédération communiste de l’Atlantique qui venait de se former, il écrit une chanson "Salut à la Russie", chantée sur l’air des "Montagnards" lors d’une conférence-concert, le 21 novembre 1925.

Extraits de son intervention du samedi 25 décembre 1920 au Congrès de Tours [2], avec :

1 - La condamnation de la Guerre 14-18 et de la collaboration gouvernementale de socialistes au nom de l’Union Sacrée ;

2 - La solidarité exprimée à l’égard de la jeune révolution russe bolchevique d’octobre 1917 ;

3 - L’acceptation des 21 conditions de la IIIe Internationale, au risque de la scission.

 

« Camarades, j’appartiens à la Fédération d’un département qui pourrait être qualifié, avec raison, de très inférieure, car elle a honte d’avoir dans son sein le père de la grève générale, le sinistre Briand, député de la 1ère circonscription [de Saint-Nazaire]. Eh bien ! Cependant, la fédération de la Loire-Inférieure a voté l’adhésion à la IIIe Internationale, et elle l’a voté en toute connaissance de cause. Nous avons été à la IIIe Internationale après avoir pris connaissance dans le passé de la leçon de l’avenir. Nous avons pris cette leçon en voyant tous ceux qui ont réellement à cœur la conception de l’idéal social, écœurés de voir fouler aux pieds dans la poubelle ministérielle, comme nous l’avons vu pendant et après la guerre, cet idéal.

Je déclare que la Fédération socialiste de la Loire inférieure a jugé nécessaire de condamner cette politique. Si nous faisons des reproches à certains de nos camarades qui ont fait de la collaboration de classes, il faut également que nous fassions notre mea culpa, nous membres du parti socialiste auquel ils appartenaient. Oui, camarades, nous constatons que la politique que nous avons à un moment préconisée est néfaste pour le socialisme français, et nous ne voulons plus retomber dans les mêmes erreurs. C’est justement parce que nos camarades ont été au pouvoir pour collaborer que nous disons ceci. Nous avons voté l’adhésion à la IIIe Internationale en acceptant les 21 conditions, parce que nous considérons que ces 21 conditions empêcheront la IIIe Internationale de sombrer dans la honte et le déshonneur comme y a sombré la IIe.

Nos camarades adversaires de tendance nous ont dit avant tout qu’il fallait être socialiste. Je suis de leur avis, mais il faut aussi être révolutionnaire par sentiment, et nous considérons que la Révolution russe est intimement liée à la Révolution mondiale. Voilà pourquoi nous allons à la IIIe Internationale. Nous ne voulons pas de scission dans le Parti révolutionnaire. Nous regrettons qu’il y ait des camarades qui restent derrière la barrière, mais si les conditions ne leur plaisent pas, nous ne pouvons pas, malgré eux, leur dire : « Vous resterez avec nous ! ». Il y a dans le Parti des hommes qui sont venus aux idées socialistes considérant que la collaboration pourrait durer éternellement. Eh bien ! S’ils rejettent l’adhésion, tant pis pour eux ! » .

 

Sources :

[1] « Dans l'ouest, toutes les fédérations [SFIO] ont été touchées par les pertes de la guerre sauf celle de Loire-Inférieure qui est devenue la 13e de France et la première de la région. La concentration des industries de guerre en Basse-Loire (cent entreprises de plus de 100 salariés en 1921), la présence d’ouvriers affectés spéciaux et la reprise des grèves à partir de 1917, souvent contre les dirigeants réformistes de la CGT Cassin et Daniel, expliquent cette progression. » C.Bougeard, 2011 : Les forces politiques en Bretagne, notables, élus et militants 1914-1946, PUR 2011.

[2] Le Congrès de Tours (18e Congrès national du Parti socialiste), texte intégral, édition critique, Éditions sociales, 1980, p. 266-268