Témoignage de Pascal Divay

Pascal Divay (adh. 1975) : Nantes – Paris - Berlin… etc.

De Nantes, il me restait quelques souvenirs de prime enfance en visite familiale, puis de passages en gare. Ma famille est originaire du grand ouest. Mes parents sont montés vers la capitale. Le Paris populaire du 11e non loin de Bastille, puis du 20e en face du Père Lachaise. Lieu de la mémoire Communarde. Les réalités d’une famille ouvrière, mal logée avec des difficultés sociales qui produisent des sentiments d’injustices. Mais il y a du travail et de la curiosité. Il faudra attendre des années pour obtenir un logement en banlieue dans les nouvelles cités, une véritable « promotion ». Papa était devenu communiste progressivement après ces premières discussions avec les prisonniers vietnamiens du Viet Minh en Indochine, salle guerre coloniale qui abime les survivants. Il participera à la manifestation de Charonne en 1962. C’est donc assez naturellement que j’adhère à la JC à la fête de l’huma qui était un rendez-vous annuel de notre enfance. Filiation et affection, un brin d’idéalisme, le parti m’apportera l’analyse du concret mélangé à la conscience de notre réalité sociale. Enthousiasme du cercle de Gonesse, ville du Val-d’Oise en banlieue dans les environs de l’aéroport du Bourget. L’aviation une autre passion, comme l’histoire ou le sport. Diffusion de « l’Avant-Garde » et fête à Ivry du journal. Départ au petit matin dans un minibus pour aider d’autres fédérations. Je commence à travailler avant le service militaire à 20 ans en 1975. Je ne perds pas mon temps et repasse mon bac technique en dessin. Retour dans le civil, il est temps d’adhérer au parti, chose sérieuse. J’y adhère dans la préparation du 22e congrès, celui de février 1976, du « socialisme aux couleurs de la France », du retrait de la notion de « dictature du prolétariat ». Les amorces de discussion conflictuelles de l’adolescence avec papa sont loin. J’intègre une cellule d’entreprise du nom d’Henri Pourchasse. Conseil : il faut apprendre, s’éduquer et lire l’Huma ! Je suis dessinateur au service public de la production d’eau de la Ville de Paris. Dans la foulée je rejoints la CGT, de toute façon, il n’y a qu’un syndicat ! Mes camarades de l’époque s’appellent Jean-Pierre, Guy, William… nous sortons le midi de la boite avec nos seaux pour coller nos affiches « …c’est en France que se décidera la politique de la France ». Nous agissons principalement pour le maintien et le développement du service public. Les menaces s’amplifient après l’élection de J. Chirac, maire de Paris. Il impulsera un mouvement de libéralisation- « modernisation » (c'est-à-dire de privatisations).

Quelques instantanés : le meeting, porte de Pantin, avec E. Berlinguer du PCI au moment de l’eurocommunisme, enthousiasme ! Le cortège sud de la grande manifestation des sidérurgistes en 1979 rejoint au passage par des groupes de travailleurs, impressionnant ! Les manifs pour le droit à un état palestinien, déjà ! Je quitte Gonesse pour Champigny sur Marne, les guinguettes mais surtout le communisme municipal, j’aide de temps en temps la cellule locale.

A la porte de la boite, les distributions de trac et la vente de l’Huma à 7 h du mat, des réunions tardives à n’en plus finir à la section des Gobelins dans le Paris 13e , dernier métro, dernier train ! Les camarades me confient ma première responsabilité en 1977 : tu seras CDH ! D’autres responsabilités suivront. Et me voici chaque vendredi à diffuser l’Huma dimanche dans la boite. Sur le lieu de travail, les communistes se voient chaque jour, ce qui est très pratique. La cellule organise dans l’atelier de mécanique un pot de la victoire après le 10 mai 1981, avec l’élection de F. Mitterrand. Des espoirs, des illusions mais nous en sommes après dix ans de lutte pour le programme commun (1972-1977). Les déceptions viendront ensuite pour nombre de travailleurs. Je suis à l’angle de la rue Soufflot (lieu d’une barricade) lors de la montée vers le Panthéon. C’est aussi le temps des « semaines de la pensée marxiste à la Mutualité », des historiens, et un certain philosophe du nom de Lucien Sève. Je suis impressionné par la qualité des propos. C’est au PCF que j’ai appris, des rudiments d’économie, de philosophie, découvert un théâtre différent pendant les écoles –élémentaire, fédérale et centrale à Draveil. C’est aussi la réflexion, des espaces qui s’ouvrent… et la fraternité qui n’est pas qu’un mot. Et ne doit pas être qu’un mot !

Fin des années 1980, c’est la privatisation du service public de l’eau, ballon d’essai pour le maire. Luttes…et déceptions, nous sommes éparpillés dans d’autres services, des ouvriers tourneurs-fraiseurs deviennent ouvriers des jardins. Gâchis ! Je passe par la direction de l’architecture puis pars vers la douceur angevine, attache familiale né de l’enfance. Nantes se rapproche. A Angers en congé parentale, je fais la connaissance de Jean-Paul, Claude, Philippe (Denis) le syndicaliste mineur de Trélazé… J’apprends à connaitre les ardoises, les anguilles et le parti en province, à la fois le même mais aussi différent. Distribution de tract à l’entrée des entreprises, ça je connais ! : Bull, Thomson…des entreprises qui seront restructurées puis quasiment liquidées. Gâchis industriel. En aout 1991 devant Thyssen, nous distribuons le tract du parti lors de la tentative de « coup de force » à Moscou. Le socialisme de type soviétique « étatiste » part en vrille. Courage, les années qui viendront seront dures… Je repars en région parisienne dans le Val de Marne aux services techniques de la commune de Valenton, la belle Béatrice, Corine, du secrétariat du maire communiste Roland Roche. Dans les deux cellules des services techniques municipaux nous travaillons à défendre ce communisme municipal comme l’activité générale du PCF… Chacun doit être à sa place, le syndicat, et la responsabilité administrative et politique de la commune. Un exemple d’activité, en 1992 la municipalité met en place la collecte sélective des déchets, discussions avec la population sur les lieux d’emplacement et la qualité de l’infrastructure. Tristesse, nous sommes effondrés par la disparition tragique de notre maire.

Retour à Angers, mon travail militant continue au bureau de la section puis au comité fédéral du Maine et Loire. Aux élections présidentielles de 1995 (près de 9% des voix), nous menons un intense travail de terrain. R. Hue est invité à Nantes, en chemin nous lui proposons une respiration artistique au musée J. Lurçat, « les tapisseries du Chant du Monde », magnifique ! Je travaille ensuite en semaine à Paris puis fini par intégrer les services départementaux du Maine et Loire. Travail syndical et responsabilité au CTP, la construction d’un cahier revendicatif me vaudra l’arbitraire et la répression du directeur puis du président du CG49. Rude coup pour le noyau familial et pour moi-même qui abime les plus beaux idéaux. Souffrance et résistance ! Un camarade syndicaliste dans une configuration similaire d’une autre région se suicidera. Pas de naïveté donc, c’est bien noté. Décidemment la fraternité et l’humanisme commun qui nous caractérisent n’est pas partagé par ces responsables-là ! « Pas d’angélisme dans la lutte de classe nous disait L. Baillot ». Il faut toujours avoir un rapport de force adéquate. Je retourne travailler à Paris à la Direction de l’urbanisme pendant cinq ans et reprends le lien avec quelques anciens camarades.

J’arrive enfin à Nantes, un peu par hasard, peut-être ! Technicien au service des infrastructures du département. Je coupe enfin le cordon avec la section d’Angers et prend contact avec celle de Nantes et rencontre Robin en mai 2015 à la fédération. Maintenant, je connais nombre de camarades nantais que j’apprécie. J’aide à ma mesure comme aux archives départementale de la Fédé.

« Et Berlin alors ? », c’est l’histoire d’un voyage en RDA à l’été 1979. Je pars seul en train de la gare du Nord à l’invitation d’une jeune femme des FDJ (Jeunesse Libre Allemande) suite à une annonce dans l’Humanité. Je ne connais pas un mot d’allemand. Découverte du mur, mais surtout d’une magnifique exposition de peinture « moderne » au Palais de la République... Aujourd’hui détruit, c’est détruire la mémoire. Un concert de rock à Rostock. A mon retour, je suis assailli de questions. Dix ans après, la rencontre avec Hans Modrow sur le stand de l’ex-RDA à la fête de l’Huma. Discussions !

Malgré les difficultés militantes, j’ai toujours pensé qu’il fallait garder cet engagement, se refuser au fatalisme et à la résignation. Au dogmatisme aussi. Cette part d’enthousiasme et d’espoir, peut-être pas très marxiste, mais nécessaire à mes yeux. Essayer de ne pas perdre la « force d’espérance » (H. Malberg). Pour aujourd’hui et pour demain.

Vraiment, nous avons besoin d’une société plus humanisée, plus fraternelle, un humanisme concret qui permet à chacun.e cette vie digne et émancipée qui appelle le dépassement-révolutionnaire du capitalisme de ce XXI s.